Homo sandwich
LE COURRIER DES LECTEURS
"LES BOUFFONS DE LA BOUFFE"
vient à peine de sortir en librairie et pointe son nez à la FNAC, que je commence à avoir des lettres et des messages de nos lecteurs.
Ne jugeant pas utile de les garder pour moi tout seul, j'ai décidé de créer, histoire de remplir mon blog, une rubrique ad hoc.
Après les deux lettres furibondes reçues d'une certaine Elisa,
et un dithyrambe élyséen qui m'a fait oublier les propos de la mégère,
voici que l'on est venu me tendre un piège. Ce matin, dans ma messagerie, j'ai trouvé
ÇA
Bonjour,
J'ai acheté à la Fnac votre livre, "Les Bouffons de la Bouffe" et je viens de le terminer.
Je m'empresse de vous contacter, pour vous faire une offre qui, j'espère, retiendra votre attention.
Je me présente : coordinateur adjoint des encarts publicitaires chez Over-Blog.
Ayant une longue expérience dans la recherche de supports efficaces, j'ai le pressentiment que votre œuvre commune risque de faire un beau succès en librairie, et qu'en conséquence votre blog deviendra vite un incontournable dans la rubrique humour, qui vous amènera foule de visiteurs.
Je pense que vous avez là un produit très commercial, car populaire et à la portée de tout le monde. Il n'y a qu'à voir l'engouement que suscitent certaines émissions TV. Le mélange d'humour, de grivoiseries et de bonne bouffe est toujours payant.
C'est pourquoi je vous propose de devenir avec vos pages un partenaire, loyalement rémunéré, bien entendu, de nos prochaines campagnes publicitaires.
Je vous fais donc grâce des 80 points de blog rank nécessaires pour commencer, et je vous offre en prime un abonnement à la formule Premium, qui vous permettra de rendre encore plus attirantes vos pages.
Je vous serai gré de bien vouloir me signaler votre accord pour démarrer notre collaboration.
Bien à vous,
Robert CARILLON
P.S. (Perso, je me suis bien marré, du début à la fin de votre bouquin. Vous y allez fort, quand même ! Je ne crois pas une seule seconde que mon offre puisse vous intéresser, mais il faut bien que je fasse semblant de faire mon boulot : je n'ai fait qu'obéir aux ordres de mon chef...)"
Salut, Carillon le bien nommé,
Du patron au balayeur, dans les blogs, tout le monde se tutoie, alors, tu vas aussi avoir droit au tu.
Alors, comme ça, tu fais comme les financiers, qui achètent la récolte des paysans juste après les semailles... Tu mises sur notre gloire à venir comme le mec de la City qui achète sur pied la production attendue d'ananas au Salvador, ou de lentilles au Puy. (Au fait, elle n'est pas mal, ma recette de lentilles aux rillons de Touraine, n'est-ce pas ?)
Tu as raison d'y croire, à notre fulgurante ascension prochaine au hit parade des éditions mondiales. Mais...
Tu veux que je te dise ? Ça m'intéresse pas, ton truc, pas du tout du tout du tout. Joseph et Martine, ainsi que les dessinateurs et moi-même ne tenons pas, tout Bouffons que nous sommes, à donner notre Bouffe en pâture aux voraces publicitaires.
Je vois déjà mon blog pourri à droite et à gauche par des verrues voyantes et clignotantes à faire honte à l'intellect moyen des gens normaux, genre
"Vous êtes le 999.999 choisi pour gagner un voyage au Caraïbes", ou "97% des femmes l'ayant utilisé sont satisfaites".
Pour la première pub, si tu cliques dessus, tu tombes sur un marchand de matos high tech qui t'offre, si tu achètes son portable à 500 €, un billet pour un tirage au sort. La deuxième, tu penses que c'est un truc cochon : même pas. Ce n'est qu'un vulgaire baume antirides.
La plus belle victoire de la pub est d'avoir convaincu le monde entier, à part quelques irréductibles comme moi, que l'on ne peut pas vivre sans elle.
Mon œil !
Que deviendraient mes textes, mijotés amoureusement, riches de l'esprit qui m'habite, entourés par vos infâmes réclames, qui prennent les gens pour plus cons qu'ils ne sont ? Enfin, la plupart. Des gens, pas des réclames.
Et lorsqu'il y aura foule à l'entrée de ma Caverne, d'ici quelques jours ou quelques semaines, de quoi j'aurai l'air, en homme sandwich, ayant prostitué ma plume pour garnir la marmite...
Non, mon petit Carillon, je compte vivre royalement de mes royalties, si le succès arrive, ou chichement, s'il n'est pas au rendez-vous, mais je tiens à conserver mon blog vierge de toute pub.
C'est comme ça.
A +, comme on dit dans le quartier
Juan, le troisième bouffon.
P.S. (Perso, entre nous : ça va chercher dans les combien, ce qu'on peut se faire par jour, avec tes conneries? -(............)- Ah oui, quand même...C'est vrai ?
Y a que les ânes qui changent pas d'avis. Et encore...